L’interview d’Henry Koombes

Comment vous est venue l’idée du personnage Tikoulou ?

Henry Koombes : Cela faisait longtemps que j’avais l’idée de ce personnage. Je l’avais même nommé et dessiné avant que Pascale (l’éditrice de la série Tikoulou) ne me contacte pour un livre. Dès que j’ai présenté Tikoulou à Pascale, elle a adoré, me demandant tout de même ce que ce nom signifiait. C’est d’après l’expression créole ‘Il est fort comme un clou’ que m’est venue l’idée de Tikoulou, qui signifie ‘Petit Clou’ et incarne donc un personnage solide et vaillant.

Pourquoi un personnage créole ?

Henry Koombes : Déjà parce que je me sens proche de la communauté créole. Je suis fan de reggae, c’est pourquoi Tikoulou est un petit Rasta (d’où sa coiffure). Et même s’il est le fruit de mon imagination, il représente une communauté belle et bien existante à Maurice. Une femme m’a même demandé un jour si j’avais dessiné Tikoulou d’après une personne existante car elle venait de voir quelqu’un traverser la route qui lui ressemblait étrangement ! La preuve que Tikoulou est à l’image d’une partie de la population. La moins valorisée et représentée, d’ailleurs…

Quelles sont vos meilleures sources d’inspiration pour créer l’univers du personnage ?

Henry Koombes : L’environnement dans lequel évolue Tikoulou est l’île Maurice. Ce sont donc les images mauriciennes que je réinterprète qui constituent l’univers du personnage. Pour le reste, je dois composer en fonction du texte qui m’est donné car c’est à partir du texte que je dessine les images.

Combien de temps consacrez-vous à la réalisation d’un album ?

Henry Koombes : Au total, j’y passe 5 mois minimum. Mes étapes de travail dépendent un peu de l’allure à laquelle j’avance. Le texte étant découpé en 13 parties, il y a 13 dessins à réaliser. Je les travaille un par un, d’abord au crayon à papier. Cette première étape de ‘mise en scène’ (disposition des personnages, du texte…) me prend entre 2 et 3 semaines.

Une fois les dessins validés par Pascale, je les mets en couleurs. Je me sers de peinture acrylique (contrairement aux autres bédéistes qui se servent de gouache). Je finalise le travail par la réalisation des contours au Rotring, un stylo d’architecte qui permet d’avoir des traits et une couleur d’encre uniformes partout. Ces deux dernières étapes me prennent au total 4 à 5 mois, sachant que je consacre 10 jours à chaque dessin… Un véritable travail de précision et de minutie !

Quand les planches sont terminées, il faut scanner le dessin et finaliser le travail des couleurs avec un graphiste. Ce dernier recherche ainsi sur son ordinateur la couleur numérique la plus proche de la couleur réelle, ce qui est une étape nécessaire pour la réalisation des fichiers qui seront envoyés à l’imprimeur.

Comment êtes-vous devenu illustrateur ?

Henry Koombes : À la base, je suis plasticien. J’ai également travaillé dans le textile : je dessinais des motifs pour les rideaux, les T-shirts… Cela a été une véritable école dans le sens où j’ai dû apprendre à maîtriser le dessin en aplat, c’est-à-dire le même type de dessin que pour une BD. Après avoir imaginé le personnage de Tikoulou, j’ai rencontré l’éditrice Pascale Siew et c’est ainsi qu’a démarré l’aventure Tikoulou !

Quels messages souhaitez-vous véhiculer au travers des albums Tikoulou ?

Henry Koombes : Plus que des messages, ce sont des valeurs que je souhaite transmettre : l’amitié, l’amour de la nature, la préservation de l’environnement. Comme le disait Malcolm de Chazal, qui est une de mes références, les enfants font des éléments de la nature qui les entoure leurs amis. Il en va de même pour Tikoulou, qui considère les animaux, les fleurs et les arbres qui l’entourent comme des amis.

Un autre élément qui me semblait important était de représenter toutes les communautés présentes à l’île Maurice. C’est pourquoi j’ai entouré Tikoulou de personnages d’origines diverses, et choisi moi-même les prénoms de Kasskot, Dimoune et Gromarto.

Quel lien entretenez-vous avec le personnage ?

Henry Koombes : C’est un personnage et un univers que j’affectionne beaucoup. Bien que je donne des pistes, des idées ou évoque de vieilles légendes mauriciennes desquelles on peut s’inspirer (comme pour Le Trésor de Tikoulou), ce n’est pas moi qui fait évoluer le personnage. Je dessine en fonction des textes qui me sont transmis.

Tikoulou est un personnage très populaire auprès des enfants… Comment l’expliquez-vous ?

Henry Koombes : Oui, il est connu mais pas forcément des petits Mauriciens car il n’est pas présent dans les écoles publiques, ni dans les bibliothèques. Beaucoup d’albums sont vendus aux touristes. Reste à vraiment séduire les enfants mauriciens pour qui le livre reste synonyme de souffrance car associé à une obligation. Il faudrait que cette perception change et que le livre puisse être considéré comme une distraction. Une évolution en ce sens est en train de s’amorcer, notamment grâce aux Centres de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC), des organismes parapublics présents à Maurice et Rodrigues.